« Mélenchon, il est trop agressif. »
J’entends cela à longueur de discussions politiques dès le sujet abordé.
« Trop agressif. » N’y reviens plus. Sentence définitive.
A supposer que cela soit vrai, et qu’il nous faille, si l’heure est à la douceur (et pourquoi pas après tout ?…) écarter tout concurrent « trop agressif », nous n’aurions donc plus le choix qu’entre deux candidats un peu ronds, moelleux, apaisants : Hollande et Bayrou – quoi que Bayrou, hein, faut pas le chercher…
Parce que si Mélenchon est « agressif », que dire de Le Pen ? Que dire de Sarkozy ? Et de Joly – plus rugueuse qu’agressive toutefois ?
Si Mélenchon est agressif, que dire de la publicité, de la télévision, de l’incivisme, de la misère qui nous saute au visage à chaque coin de rue, des programmes de NRJ, du ministre de l’Intérieur, de Nadine Morano, du silence sur la Syrie et la Russie, du FMI ?
Et puis « trop agressif », n’est-ce pas un peu court pour balayer d’un revers de la main un programme de 95 pages (en vente 2€ chez Librio) qui a mobilisé des milliers de militants à travers toute la France ?
Ma conviction, voyez-vous, ce n’est pas que Mélenchon est « trop agressif » mais bien que face à lui, l’électeur urbain plutôt diplômé et/ou plutôt cultivé à sympathies « de gauche », ou « humanistes », appelons-le « Téléraman », se met immédiatement sur la défensive.
Parce qu’il a peur.
Parce que Mélenchon lui renvoie dans la gueule sa contradiction majeure : le Téléraman veut se considérer de gauche (parce que cela lui donne une meilleure image de lui-même) mais au fond, il est un individualiste-arriviste-matérialiste-consumériste (i.e. il veut gagner du blé, ne pas payer trop d’impôts et rester, socialement, un dominant.) Du coup, le Téléraman se sent agressé par un homme qui ne fait que vouloir traduire en actes des valeurs, ces mêmes valeurs que notre électeur si critique porte pourtant fièrement en bandoulière.
Le Téléraman veut que ça change mais un peu, et sans trop affecter sa zone de confort ; que ça bouge mais pas trop, sans secousses. Sinon, la bonne conscience ne peut pas s’épanouir dignement, vous comprenez. Elle a besoin de calme. Et quand son chien aboie après le monde, le Téléraman préfère penser que c’est le chien qui va mal. Et changer son bull-dog pour un labrador. C’est gentil, un labrador.
Et puis le nucléaire, c’est létal, certes, mais on ne va pas non plus se priver d’électricité.