Je suis fatigué. Fatigué des stratégies électorales, fatigué du vote utile, fatigué des anathèmes lancés contre tel ex-camarade ou tel ami de vingt ans, fatigué des soi-disant boules puantes, des ralliements, des vestes retournées, des virginités qu’on s’achète, de l’amnésie collective, des lynchages en moins de 140 signes, des petites phrases et des gros mots.
Je suis fatigué que des gens qui se disent de gauche aient même l’idée d’aller voter à une primaire de la droite, fatigué que des gens qui s’affirment de droite acceptent d’entrer dans un gouvernement qui se prétend de gauche, fatigué des pseudo-analyses des chiens de garde médiatiques, fatigué du faites-ce-que-je-dis-faites-pas-ce-que-je-fais, des sourires vils et des promesses de campagne, du vite-fait, des raccourcis, du bashing, des bons mots, du j’ai-les-chiffres, du troud’lasécu et de la dette, du PNB et du commerce extérieur, des charges sociales qui sont des cotisations.
Je suis fatigué du cynisme.
Au-delà des candidats à l’élection présidentielle que nous trouvons sympathiques et de ceux qui nous débectent, par-delà ce que nous croyons savoir d’eux et leur image médiatique, et si nous lisions les programmes, pour découvrir les valeurs qui les sous-tendent? Ce qui se joue, c’est le vivre-ensemble. On ne peut pas y échapper : nous sommes des citoyens, et l’individu n’existe pas sans les autres, ses voisins, ses semblables – ses frères? Nous sommes des animaux sociaux, que nous le voulions ou non, et tout cela doit s’organiser – c’est cela, le politique.
Or la seule question qui vaille est: sur quelles valeurs voulons-nous faire société ?
Concrètement, si ceux que j’aime ou moi nous retrouvions en situation de faiblesse (chômage, maladie, etc.), ou de danger, comment voudrais-je que l’État réagisse ? Concrètement, dans quel environnement ai-je envie que mes semblables, mes frères, mes enfants, mes voisins et moi vivions? Je n’insiste pas, vous m’avez compris. Les valeurs. Pas les opinions, les préférences, les avis, l’air du temps: les valeurs.
C’est en âme et conscience que nous devrons voter. Oublions les calculs d’appareils, le panurgisme partisan, le délit de sale gueule ; posons-nous avec un verre de bon vin (ou un jus de carottes, hein, chacun ses goûts), prenons le temps de réfléchir (introspection, qu’ils appellent ça parfois), de nous documenter, de nous questionner, de comparer, de discuter, d’échanger, de sortir de nos ornières mentales et, loin du brouhaha des écrans, décidons entre les visions du monde, de l’humain, du collectif qui nous sont proposées. Décidons en face-à-face avec nous-mêmes mais en pensant généreux, altruiste, collectif. Parce qu’on n’est rien sans nos voisins. Parce qu’un jour on pourrait être l’autre – le déclassé, l’immigré, le handicapé, le stigmatisé, le montré-du-doigt, l’exploité, le soupçonné, le pas-comme-il-faut, le louche (pas Claude ni Gilles, j’espère), celui qui ne rentre pas dans les cases, le bouc-émissaire.
Et surtout parce que nous sommes, chacun de nous, une partie de la solution — c’est le sens de l’adjectif « représentative » qu’on accole à notre démocratie.
Un commentaire
Je ne peux qu’être d’accord mais les cartes sont tellement brouillées, les partis politiques tellement flous sur les valeurs qu’ils défendent une fois au pouvoir,que le choix de l’animal politique qui incarnera le changement n’est pas aisé.