Je les accumule tellement que je vais finir par croire que je les cherche, les déceptions livresques.
Après Tavarès, Quiriny, Zeh, Vasseur, Iegor Gran rejoint le club, ou plutôt n’en sort pas car si Ipso Facto m’avait profondément réjoui, j’avais trouvé Thriller tout à fait dispensable.
Mais là, j’y croyais : le ton corrosif de Gran s’attaquant à l’écolo-tartufferie, à la bien-pensance verte, au green-washing, j’en salivais d’avance ! Et le bougre arrivait en terrain conquis car YAB l’hélicologiste, Hulot l’Ushuaïologiste et la nouvelle religion du développement durable me font gerber (mes aliments bio, et alors ?).
Las…
L’écologie en bas de chez moi sent le pamphlounet opportuniste, l’occasion de polémiquer gentiment sur un thème porteur, en sachant qu’on sera invité sur France Inter, qu’on fera bander Libé et Télérama – et peut-être Les Inrocks, nous reparlerons de la mue (abo)minable de ce journal très bientôt. J’aurais dû me méfier de l’unanimité des chroniqueurs du Masque et la Plume ; que même Arnaud Viviant s’enthousiasme (à sa mesure, hein…), c’était louche.
Gran fait donc le malin pendant 181 pages*, dont la moitié d’insupportables notes de bas de page, qui n’en ont d’ailleurs que le nom tant elles prennent de place, fragmentant une lecture déjà pénible.
On y apprend qu’il est un peu obsédé sexuel, un peu scato, que sa femme s’appelle Elizabeth, que ses voisins sont tous cons et que son ancien meilleur ami habite à Levallois-Perret. Ce « récit » (ce qu’annonce la couverture) est censé « raconter » la fin de cette amitié, à cause de l’écologie (ce qu’annonce la 4ème de couverture), plutôt une bonne idée ; mais l’écriture est bâclée (on croit à chaque page entendre un directeur de collection murmurer: « Faudra être prêt pour le Salon du livre, Iegor ! »), les personnages effleurés et/ou caricaturaux, le seul qui s’en tire étant Gran, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Car l’auteur s’est croqué en sorte de Bacri écolophobe, de mauvaise foi, certes, mais avec auto-dérision ; plein de défauts (individualiste, égoïste, etc.), certes, mais qu’il reconnait et dont il essaie (sans y parvenir beaucoup) de nous faire rire avec lui.
Son propos est confus, petitement nihiliste, et son ex-ami Vincent apparaît presque plus sympathique que lui (plus humain au moins), tant on se doute que dans la vraie vie Iegor Gran doit pouvoir être une parfaite tête à claques. D’ailleurs, on se dit à la lecture que la brouille, c’est plutôt de sa faute que de celle de Vincent, dont la manière urbobaine de se donner bonne conscience n’est pas plus méprisable que la posture suffisante et hautaine de Gran. La logorrhée de références alignées par celui-ci ne sert qu’à masquer cette gangrène de l’humanité qu’est le cynisme – mais c’est pas de sa faute, il est slave.
*(15,5€ les 181 pages, je note une nouvelle fois que Qu’avez-vous fait de moi ? reste imbattable rapport nombre de pages / prix)